Wang Keping est une figure incontournable de l’art contemporain chinois, un sculpteur dont les œuvres en bois témoignent d’une expressivité brute et d’une puissance évocatrice unique. Membre fondateur du groupe d’avant-garde Xing Xing (Étoiles) dans la Chine post-maoïste, il s’est imposé sur la scène artistique internationale grâce à une esthétique singulière mêlant abstraction, sensualité et une profonde connexion avec la matière.
Un parcours marqué par la révolte et l’exil
Né en 1949 en Chine, Wang Keping grandit sous le régime maoïste, une époque de censure et de répression artistique. Dans les années 1970, il devient l’un des membres fondateurs du groupe d’artistes dissidents Xing Xing, qui revendique une liberté d’expression en rupture avec l’académisme officiel.
Son œuvre emblématique de cette période, « Idol » (1979), une sculpture représentant Mao Zedong dans une posture figée et grotesque, symbolise la remise en question du culte de la personnalité. Cette audace lui vaut des tensions avec les autorités chinoises, et en 1984, Wang Keping choisit l’exil en France, où il trouve un nouvel élan artistique.
Une esthétique du bois entre sensualité et minimalisme
Installé à Paris, Wang Keping se consacre pleinement à la sculpture sur bois, un matériau qu’il apprivoise avec une approche instinctive et organique. Son travail repose sur un dialogue avec la nature : il ne cherche pas à dompter le bois mais à en révéler l’essence.
Ses sculptures, souvent figuratives, représentent des formes humaines simplifiées, évoquant des torses féminins, des visages aux traits épurés ou des silhouettes entrelacées. Leur aspect poli, parfois carbonisé, crée un jeu subtil entre ombre et lumière, donnant à chaque pièce une présence quasi mystique. Wang Keping puise dans les traditions asiatiques de la calligraphie et du bouddhisme, intégrant une dimension méditative à son travail.
Parmi ses œuvres majeures, on retrouve :
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- “Cri” : l’une de ses premières oeuvres, exprimant l’impossibilité de s’exprimer sous le régime de Mao.
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- « Couple », une sculpture explorant la fusion amoureuse avec des formes arrondies et imbriquées,
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- « Tête », une série de bustes au regard clos, invitant à la contemplation et au silence,
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- « Nu », mettant en avant la sensualité des courbes féminines avec une sobriété absolue.
Une reconnaissance internationale et une empreinte durable
Depuis son installation en France, Wang Keping a acquis une reconnaissance mondiale. Son travail a été exposé dans des musées prestigieux tels que le Centre Pompidou, le Musée Cernuschi, le Musée d’Art Moderne de Paris, ainsi qu’au British Museum et au Musée National de Chine. Son influence s’étend bien au-delà de la scène chinoise, inspirant de nouvelles générations de sculpteurs en quête d’une harmonie entre la matière brute et l’émotion.
Les résidences artistiques de Wang Keping : des dialogues entre matière et environnement
Les résidences artistiques ont joué un rôle clé dans le parcours de Wang Keping, lui offrant des espaces privilégiés de création et de réflexion au sein d’institutions prestigieuses. À travers ces expériences, l’artiste a pu approfondir son travail sur le bois en confrontant son art à des contextes et des influences variées. Que ce soit au Musée Rodin, où il a dialogué avec l’héritage du maître de la sculpture moderne, ou à la Fondation Carmignac, où il s’est immergé dans un environnement naturel préservé, Wang Keping a su tirer de ces résidences une nouvelle résonance à son œuvre. Chaque séjour lui a permis de renouveler son approche, en explorant le lien entre la matière, l’histoire et le paysage, renforçant ainsi son statut de sculpteur majeur de la scène contemporaine.
Résidence artistique au Musée Rodin : un dialogue avec le maître de la sculpture en 2010
En 2010, Wang Keping a bénéficié d’une résidence artistique prestigieuse au Musée Rodin à Paris, une reconnaissance majeure qui témoigne de la place qu’il occupe dans le paysage de la sculpture contemporaine. Cette immersion au sein de l’institution dédiée au maître de la sculpture moderne lui a permis d’approfondir son travail sur la matière et le volume dans un cadre d’exception. Fasciné par l’approche sensuelle et expressive d’Auguste Rodin, Wang Keping a trouvé des échos entre son propre processus créatif et celui du sculpteur français, notamment dans la recherche de la forme essentielle et du mouvement intérieur.
Durant cette résidence, il a pu explorer les collections et le jardin du musée, s’imprégner de l’énergie des œuvres et développer de nouvelles pièces où la puissance du bois dialogue avec la force du modelé rodinien. Cette expérience a renforcé son exploration du corps et de l’émotion à travers la matière, et certains de ses travaux créés à cette occasion ont été exposés dans des institutions majeures, affirmant ainsi son statut de sculpteur majeur du XXIe siècle.
2019 : une résidence inspirante de Wang Keping à la Fondation Carmignac
En 2019, Wang Keping a été invité en résidence à la Fondation Carmignac, située sur l’Île de Porquerolles, un écrin de nature préservée au large de la Côte d’Azur. Cette résidence s’inscrit dans la philosophie du lieu, qui encourage un dialogue intime entre l’art et l’environnement.
Porquerolles, avec ses forêts de pins, ses rochers sculptés par le vent et la mer, offrait à Wang Keping un cadre idéal pour approfondir sa relation avec le bois. Son travail, déjà centré sur une approche organique et instinctive, s’est trouvé renforcé par cette immersion en pleine nature. Il a ainsi créé des sculptures en lien avec le paysage, exploitant les formes naturelles du bois tout en poursuivant sa quête d’une esthétique épurée et méditative.
Cette résidence à la Fondation Carmignac fut aussi l’occasion de rapprocher son œuvre de l’idée de l’art en pleine nature, une dimension essentielle dans la collection de la fondation. Ses sculptures, exposées dans le jardin de sculptures, s’intègrent harmonieusement au milieu environnant, prolongeant cette réflexion sur le vivant et la matière. Cette expérience a marqué un tournant dans sa carrière, affirmant encore davantage son lien profond avec les éléments naturels et sa capacité à inscrire son travail dans une dimension universelle et intemporelle.
Aujourd’hui, Wang Keping continue de sculpter avec la même ferveur, transformant le bois en une forme d’épure vivante. Son œuvre, oscillant entre mémoire politique et sensualité intemporelle, demeure un témoignage puissant du lien entre l’homme, la nature et l’histoire.