La distinction entre un meuble Louis XV et un meuble Louis XVI repose d’abord sur des logiques stylistiques profondément opposées.
Louis XV vs Louis XVI : différences stylistiques fondamentales
Sous Louis XV (1715–1774), le style est sinueux, décoratif, en mouvement constant, porté par l’esprit rococo. En revanche, sous Louis XVI (1774–1793), la rigueur néo-classique s’impose : lignes droites, géométrie, sobriété inspirée de l’Antiquité. Ces deux styles marquent la transition entre un art du caprice et une esthétique du retour à l’ordre, influencée par les découvertes archéologiques et la philosophie des Lumières.
Détails clés pour identifier un meuble du XVIIIe siècle
Un œil averti commence toujours par observer les lignes du meuble :
- – galbées et courbes pour Louis XV,
- – rectilignes et épurées pour Louis XVI.
Les pieds sont cambrés (en « S ») chez le premier, droits et souvent cannelés chez le second.
Les traverses d’un meuble Louis XV sont découpées et souvent ornées de motifs floraux ; celles d’un meuble Louis XVI sont plates, sobres et régulièrement décorées de frises grecques, d’entrelacs ou de rosaces. Ces indices formels permettent une première lecture stylistique.
Les matériaux emblématiques et leurs décors
Les essences utilisées varient peu entre les deux styles, mais leur traitement change.
Le bois de rose, l’amarante ou le satiné sont très présents dans les marqueteries Louis XV, souvent combinés avec des motifs de fleurs ou d’instruments de musique.
Sous Louis XVI, la marqueterie devient géométrique, avec des filets, des losanges ou des médaillons symétriques.
Le bronze doré, omniprésent, se fait plus exubérant sous Louis XV (asymétrie, motifs feuillagés), tandis qu’il devient strictement décoratif, symétrique et classique sous Louis XVI.
Signatures et estampilles
À partir de 1743, la réglementation impose aux ébénistes parisiens de marquer leurs meubles d’une estampille, souvent accompagnée de la marque du jurande (JME). Ces marques sont cruciales pour identifier le maître artisan, situer une production, et estimer une valeur. Parmi les grands noms du mobilier Louis XV, on retrouve Jean-François Oeben, Charles Cressent ou Bernard II Vanrisamburgh. Sous Louis XVI, Riesener, Weisweiler ou Carlin sont les signatures les plus prisées.
Les pieds de meubles : un indice révélateur
Les pieds sont l’un des éléments les plus fiables pour distinguer les deux styles.
Le style Louis XV privilégie les pieds dits « en console » ou « en cabriole », qui prolongent le galbe naturel du meuble. Ces pieds s’achèvent souvent par des sabots en bronze, parfois feuillagés ou en forme de coquille.
Le style Louis XVI revient au pied droit, souvent fuselé, cannelé ou terminé par un sabot géométrique. L’ornementation devient discrète, l’architecture du meuble prime sur la fantaisie.
Influence des arts décoratifs et du contexte politique
Le mobilier ne vit pas en vase clos. Le style Louis XV s’inscrit dans un art de vivre raffiné et libertin, promu par la cour de Versailles et les salons privés de l’aristocratie. L’esprit rococo influence aussi les arts décoratifs, les textiles, la porcelaine. Le style Louis XVI, quant à lui, naît dans un contexte de retour aux valeurs antiques, marqué par la redécouverte de Pompéi et une volonté d’ordre moral. L’austérité du pouvoir royal, à la veille de la Révolution, se reflète dans la rigueur du mobilier.
Expertise et marché : prudence et connaissances indispensables
Sur le marché de l’art, les meubles Louis XV et Louis XVI authentiques sont très recherchés, mais les contrefaçons, copies ou remontages sont fréquents. Une expertise sérieuse doit prendre en compte la cohérence stylistique, la qualité des assemblages, l’usure naturelle, et l’historique du meuble. Un meuble « dans son jus », même avec quelques défauts, aura plus de valeur qu’un meuble trop restauré. Les maisons de vente et les marchands spécialisés publient régulièrement des catalogues de référence qui permettent de comparer et documenter une pièce.
Un dialogue fécond entre passé et présent
Aujourd’hui, le mobilier Louis XV et Louis XVI retrouve une place de choix dans les intérieurs contemporains. Leur élégance intemporelle permet de créer des contrastes riches avec des lignes modernes ou industrielles. De nombreux décorateurs intègrent ces pièces comme objets d’ancrage esthétique et patrimonial. Leur valeur n’est pas seulement marchande : ce sont des objets porteurs de mémoire, témoins de savoir-faire artisanaux d’exception, et vecteurs d’un art de vivre que beaucoup redécouvrent avec émotion.